Photos de Sandra Tilche
FAQ:
« Est-ce que je peux donner du poisson à mon chat ? Mon chat adore le thon en boite, mais il parait que n’est pas bon pour lui. Mais pourquoi les chats aiment-ils autant le poisson ? ».
Le poisson… le goût avant tout.
Indéniablement, les chats apprécient le poisson. Pour la petite histoire, le goût des chats pour le poisson remonterait à l’époque égyptienne, quand les chats étaient des dieux. On leur offrait du poisson pour les attirer dans les maisons.
Mais avec ses 500 papilles gustatives contre 9000 chez l’homme, le goût chez le chat n’est pas son sens le plus développé. Pour lui, mieux vaut se fier à son odorat. C’est la première condition pour qu’un aliment soit adopté. De plus, aux critères de goût et d’odeur, la texture et la température de service ont aussi leur importance. C’est pourquoi votre chat pourra raffoler des miettes de thon, mais dédaigner les meilleurs sashimi. Même si chaque langue est unique, l’odeur du poisson ne laisse jamais indifférent. Elle suscite toujours un certain intérêt, voire de l’excitation.
La mémoire olfactive du chat débute au stade de foetus, avec les odeurs des aliments mangés par sa mère. Par la suite, les références olfactives apprises lors du sevrage, resteront des valeurs sûres et durables. Comme le chat est un hédoniste, il cherchera à retrouver tout au long de sa vie ces moments de plaisir.
Finalement, le goût des chats pour le poisson semble davantage acquis qu’inné. Il est très corrélé aux habitudes alimentaires des humains partageant leur environnement. Ainsi, lorsque Virbac déclinait sa gamme de croquettes en deux parfums, canard ou saumon, les préférences des chats français étaient très nettes. Sans surprise, les chats résidant au Sud de la Loire préféraient le poisson (bien que d’origine nordique), et au Nord, c’était plutôt la viande (originaire du Sud-Ouest).
Le poisson… un aliment moins « naturel ».
Mais à l’état sauvage, il y a davantage de chats chasseurs que de chats pêcheurs. La viande est la préférence instinctive des chats. Toutefois, il existe une exception, le chat viverrin, ou chat pêcheur, qui vit en Asie du Sud-Est. Tête longiligne, oreilles implantées vers l’arrière, corps ramassé et queue courte, son corps est taillé pour la pêche subaquatique, tout en hydrodynamisme. Mais surtout, ses pattes palmées font de lui un as de la pêche à la main. Le poisson est son mets favoris, mais il apprécie aussi les crustacés, les mollusques, les grenouilles, les serpents… les insectes, les petits rongeurs et les oiseaux.
Même si le poisson ne fait pas partie du régime ancestral du chat, il possède les critères d’éligibilité nécessaires pour y figurer. Le profil en macro-nutriments du poisson correspond aux contraintes physiologiques et métaboliques strictes du chat. A condition d’apporter un peu de variété, et de l’agrémenter d’aliments plus « tradi » comme le poulet, la dinde, le boeuf, les abats, … comme nous l’apprend le chat viverrin. Moins « naturel » que la viande, il présente de nombreuses qualités nutritionnelles.
Le poisson… moins de matière grasse pour plus de matière grise.
Les régimes pour humains tant méditerranéen, scandinave que japonais, sont décrits comme étant les plus sains. Ils privilégient tous les trois la consommation de poissons. Il ne pouvait en être autrement pour le chat, pour ce qui est du poisson cru ou « cuisiné » avec délicatesse. La première des qualités nutritionnelles du poisson est d’être une source de protéines animales de haute valeur biologique. Ces dernières apportent tous les acides aminés indispensables, que les chats doivent obligatoirement trouver dans leur alimentation, faute de pouvoir les synthétiser eux-mêmes en quantité suffisante. Notamment, il y a autant de taurine dans le cabillaud que dans le poulet.
Le poisson est aussi une source d’acides gras essentiels. Nous l’avons évoqué, le chat a des capacités de biosynthèse limitées pour l’EPA et le DHA, en raison d’une activité quasi-nulle de l’enzyme qui permet leur fabrication à partir des acides gras des huiles végétales, comme chez les autres mammifères. Or, ces deux oméga-3, EPA et DHA, jouent un rôle essentiel à chaque stade de la vie du chat. Le DHA favorise le bon développement cérébral et visuel du chaton en croissance. Chez l’adulte, EPA et DHA atténueraient les processus inflammatoires comme l’allergie, l’intolérance alimentaire, l’arthrose. Et des taux élevés amélioreraient certaines affections comme l’hypertension et l’insuffisance rénale chronique.
Précautions d’usage avec le poisson.
Comme pour la viande, la chair de poisson n’apporte pas assez de calcium. A la différence de la viande, elle n’apporte pas assez de certaines vitamines (complexe B notamment) pour lesquelles le chat est très exigeant. Il y a moins de certains oligo-éléments comme le fer, le zinc, le cuivre et le manganèse , et à l’inverse peut-être trop de sodium (non prouvé). Enfin, la richesse en iode du poisson de mer prédispose à l’hyperthyroïdie.
Certains poissons crus (et surtout leurs viscères) contiennent un facteur anti-vitamine B1, la thiaminase, que la cuisson détruit. Une consommation régulière de ces poissons expose à une carence « théorique » en vitamine B1, une forme de béribéri. Les cas répertoriés sont rares. Par contre, la stérilisation des conserves à haute température peut aussi dénaturer la thiamine.
Plus anecdotique, la consommation de sashimi expose votre chat à l’anisakiase, un vers rond retrouvé dans le saumon, les harengs ou les foies de morue. Pour finir, il est aussi bon de signaler que les protéines de poisson figurent en tête de liste des responsables d’allergie et intolérances alimentaires (le thon a parfois été mis en cause dans des intoxications à l’histamine).
Finalement, le poisson, frais ou congelé, mérite de figurer occasionnellement au menu de votre chat, avec quelques réserves. Il n’en reste pas moins un aliment fragile, principalement du fait des traitements thermiques imposés aux aliments industriels. Parmi ceux-là, une catégorie d’aliment est à l’origine d’une véritable addiction pour certain chats. C’est le thon en boite.
« Tuna junkies »… attention!
Certains chats refusent de manger autre chose lorsqu’ils ont découvert la petite boite bleue. Les vétérinaires américains les surnomment les « tuna junkies». J’en ai rencontré un spécimen en consultation.
C’était un chat plutôt jeune. Il ne mangeait plus depuis plusieurs jours et tenait à peine sur ses pattes. Il titubait comme saoul, il semblait aveugle, sa tête penchait sur le côté, il tombait et était incapable de se hisser sur le mobilier. Depuis plusieurs mois, il ne mangeait que du thon au naturel en boite. Ses troubles neurologiques concordaient avec un tableau d’ataxie cérébelleuse, causée par une carence en thiamine (vitamine B1). Après trois jours de traitement, ce chat a pu remarcher et sauter comme avant. Il en fût quitte pour un régime varié et une supplémentation orale en thiamine de deux mois. Il y a certainement laissé quelques neurones, mais d’autres y ont perdu la vie. Car le système nerveux des chats est particulièrement sensible aux carences en thiamine.
Une autre maladie menace les « tuna junkies », la panstéatite. C’est une inflammation du tissu adipeux, ou maladie du gras jaune. Cette affection est le plus souvent rencontrée chez les chats alimentés avec du poisson gras en conserve, comme le thon ou les sardines à l’huile. Donnés en continu, de tels régimes apportent trop d’acides gras insaturés. L’inconvénients des AG insaturés est qu’ils rancissent, et pour pallier à ce problème, l’antioxydant naturel du chat est la Vitamine E. Seulement les réserves en Vitamine E s’épuisent très vite chez le chat, d’autant plus que son régime est pauvre à la base. Cette maladie peut rester asymptomatique, mais aussi conduire à la formation de nodules sous-cutanés inflammés, douloureux au toucher, qui peuvent s’ulcèrer. Hormis la suppression de l’aliment, le traitement prescrit sera une supplémentation en Vitamine E.
Les aliments complémentaires au poisson.
Certains aliments humides destinés aux chats ont « la couleur et l’odeur » d’un aliment complet, mais n’en sont pas. Leur appellation est souvent attractives: « Thon Alevins de sardines », « Thon calamar », « Thon palourde », « Thon crevettes », « Barracuda », « Thon rouge et langouste»… Ce sont des aliments complémentaires, susceptibles d’avoir perdu certains éléments nutritifs comme la taurine, très fragile. Cela s’explique entre autres par une cuisson prolongée, du type « cocotte minute ». Néanmoins, ces aliments sont plébiscités pour leur appétence et leur côté naturel, car il sont fabriqués sans additifs. C’est vrai que ce sont de très bons aliments pour ce qui est des macro-nutriments. Ils apportent des protéines de qualité en quantité. Mais leurs déséquilibres en éléments nutritifs thermo-labiles doivent en limiter l’usage, tout comme les petites boites bleues.
Par anthropomorphisme, on peut être tenté d’offrir à son chat ce genre d’aliments, au lieu des pâtées humides plus classiques et moins séduisantes. Cependant, l’utilisation d’aliments complémentaires devrait rester occasionnelle (une boite deux à trois fois par semaine). Il faut leur préférer les aliments industriels humides complets au poisson. Ou mieux, du poisson frais ou congelé, moins addictogène et pratiquement aussi équilibré que la viande.
Pour conclure, le poisson est un aliment sûr et sain pour les chats. De plus, c’est une alternative à la consommation de viande d’élevage d’animaux « terrestres », qui contribuent à la dégradation environnementale et climatique de notre planète. Dans le même ordre d’idée, on peut être tenté de convertir les chats au végétarisme. Mais là, n’est-ce pas une fausse bonne idée ? Ce sera l’objet du prochain article.