Des normes nutritionnelles… pas si normales que chat.

L'alimentation du chat respecte des normes nutritionnelles strictes.

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Dans le précédent article, nous avons évoqué l’importance de la viande comme aliment incontournable de l’alimentation du chat. Alors que la diététique parle d’aliments, la nutrition parle de nutriments. Parmi eux, nous focaliserons notre attention sur les recommandations en protéines pour le chat.

Nutrition et nutriments.

La nutrition décrit les processus physiologiques et métaboliques. Autrement dit, comment les aliments sont assimilés et transformés par le corps, de la mastication à l’élimination.

Les nutriments (ou éléments nutritifs) sont des substances d’origine alimentaire, indispensables au maintien en bonne santé des chats. Ainsi, on a pu en recenser une quarantaine, parmi lesquelles figurent les protéines, les lipides, le calcium, le phosphore, le magnésium, la taurine, les vitamines… Bien que l’énergie (les calories) ne soit pas un nutriment en tant que tel, elle a été intégrée à la liste.

La diététique parle d'aliments, la nutrition parle de nutriments.
Protéine ou linguine?
Nutriment ou aliment?

On classe les nutriments en deux grandes familles:

  • les macro-nutriments:  glucides, lipides, protéines… et eau.
  • les micro-nutriments (en plus petite quantité dans les aliments): les vitamines, les fibres, les sels minéraux, et les oligo-éléments (à l’état de traces).

Ces nutriments assurent chacun une ou plusieurs fonctions: énergétique, entretien des tissus, métabolique ou simplement mécanique (par exemple les fibres, pour le transit intestinal).

Des normes nutritionnelles garantes d’un aliment complet et équilibré?

L’établissement des normes nutritionnelles fut un travail laborieux et méthodique effectué dans les années 70. Pour cela, des chats enfermés dans des cages « métaboliques », se voyaient proposer une pâtée d’hôpital comportant plus ou moins de chaque nutriment. Ainsi, on a pu définir pour chaque ingrédient une « fourchette » entre les quantités minimale et maximale. Les minimales requises étaient supposées prévenir les symptômes de carence, et les  maximales les signes de toxicité.

En aucun cas, on ne s’avance à proposer des valeurs optimales… Mais le biais le plus important dans la méthode utilisée pour collecter ces données, c’est … la captivité. La captivité est un état contrevenant au Premier Amendement de la Constitution des chats, signée à époque néolithique: la liberté d’aller et venir, de faire quinze siestes par jour sans être dérangé par le personnel animalier,… Le non-respect de ce besoin vital pour le chat ne pouvait conduire qu’à des chiffres erronés.

Quoiqu’il en soit, ce travail fastidieux a permis de définir les premiers besoins en nutriments qu’il fallait respecter pour prétendre nourrir un chat de façon complète et équilibrée, et ainsi lui permettre de vivre en bonne santé. Je devrais dire « survivre », et pas toujours encore ! Cette première liste a permis une approche grossière des besoins du chat, et bizarrement ils étaient assez peu différents de ceux des petits chiens.

Nutriments Entretien Croissance
Protéines 25 % 28 %
Taurine 0,20 % 0,25 %
Mat. Grasses 9 % 9 %
Ac. arachidonique 0,006 % 0,020 %
EPA + DHA 0,01 %
Calcium 0,59 % 1 %
Phosphore 0,50 % 0,84 %
Ca/ P ratio 1,1 1.1
Magnésium 0,04 0,05

Ce tableau ci-dessous reprend les niveaux minimum recommandés par la FEDIAF en 2012 pour les principaux nutriments chez le chat (en % de la MS).(http://www.fediaf.org)

« Dans la nature… une seule sorte de souris ».

Comme il était coutumier de le faire pour les espèces animales destinées à l’alimentation humaine, on a précisé les besoins particuliers pour les chatons en croissance, les chattes en gestation ou en lactation… Puis, les connaissances scientifiques ont conduit à complexifier encore un peu plus les choses. Les experts formulent désormais des recommandations pour les chats stérilisés, les chats obèses, les chats âgés, les chats Persans,… Nous attendons avec impatience une formulation pour les chats aux yeux vairons et une autre pour les chattes tricolores !

Pour les chats, des normes nutritionnelles sont définies pour chaque stade physiologique.

Difficile de ne pas se sentir perdu. Afin de rassurer mes clients, soucieux d’offrir à leur chat l’aliment qui « colle » au plus juste à ses besoins, je leur réponds: « Dans la nature, il n’y a qu’une seule sorte de souris»! Mais à bien considérer les choses, soit nous sommes victimes d’une segmentation « marketing » injustifiée, soit il n’existe aucun aliment industriel aussi parfait… que la souris. Mère-nature fait bien les choses.

Le profil en macro-nutriments du chat ancestral.

Notamment, dans les zoos, on distribue aux animaux les aliments qu’ils ont l’habitude de manger dans leur biotope. D’ailleurs, les rares tentatives pour introduire des préparations « humainement » modifiées se sont soldées par des carences. Alors pourquoi a-t-on refoulé aussi longtemps cette évidence ? Les données les plus fondamentales de l’alimentation du chat devraient provenir de l’observation de son comportement alimentaire à l’état naturel.

Les normes nutritionnelles du chat devraient s'inspirer de son alimentation naturelle.

En effet, le chat actuel, comme son ancêtre sauvage, est resté un carnivore strict. Sans l’intervention de l’homme, les mets qui constituent son quotidien seraient toujours… des rongeurs, des oiseaux, des reptiles, des grenouilles, des insectes. Aussi, une analyse minutieuse de ses proies à permis d’en établir la composition moyenne. Pour les macro-nutriments, on obtient sensiblement 70 % d’eau,  et rapportés à la matière sèche, 63 % de protéines, 23 % de lipides, 3% de glucides et 11 % de minéraux (*). Pour cette raison évidente, les normes nutritionnelles devraient logiquement converger vers ces valeurs . Or, ce n’est pas le cas.

L’exemple des normes nutritionnelles pour les protéines.

Ainsi, les recommandations de la FEDIAF (Fédération Européenne de l’Industrie des Aliments pour Animaux Familiers) pour couvrir les besoins en protéines du chat ont été remontées en 2012 à un minimum de… 25 %. Quelle avancée! C’est dire si la méthode de référence pour fixer les normes est inadaptée.

Dans le cas précis des protéines, il s’agit de la méthode du bilan azoté. Un article publié en 2013 dans le Journal of Feline Medicine and Surgery(**) démontre que celle-ci ne permet pas de  déterminer l’optimum pour les besoins protéiques du chat. Comme d’autres animaux, les chats ont la capacité de s’adapter à de faibles apports en protéines. C’est précisément le cas avec les valeurs minimales de référence actuelles. Par contre, elles ne permettent pas la conservation de la masse musculaire maigre ni  le turn-over normal des protéines structurelles d’un chat adulte sain. En outre, elles diminuent les défenses immunitaires et augmentent les risques de maladie. L’observation n’a porté que sur deux petits mois, et les résultats sont éloquents! L’étude conclut en suggérant que les besoins minimum en protéines se situent vers les 35 %, et l’optimum probablement bien au delà de 45 %.

Les normes et recommandations nutritionnelles des chats sous-estiment la part des protéines.
« Tant pis si c’est pas recommandé. »

En somme, les normes nutritionnelles pour les chats laissent toute latitude pour que des aliments impropres à la consommation féline soient encore fabriqués et commercialisés.  Car les teneurs préconisées pour les macro-nutriments sont trop éloignées des besoins naturels des chats. En ce qui concerne les protéines, un apport insuffisant s’accompagnera toujours d’un excès d’apport en glucides.  Et cet excès chronique de glucides est-il utile ou néfaste ? C’est le sujet du prochain article.

Références:

(*) Plantiga EA, Bosch G et Hendriks WH.  « Estimation of the dietary nutrient profile of free-roaming feral cats: possible implications for nutrition of domestic cats ». Br J Nutr. 2011

(**) DP Laflamme and SS Hannah.  «Discrepancy between use of lean body mass or nitrogen balance to determine protein requirements for adult cats ». JFSM. 2013

 

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