« La bi-nutrition est une bonne alternative car elle allie les bénéfices des croquettes et des sachets fraîcheur. Avec la bi-nutrition, vous aidez votre chat stérilisé à maintenir son poids de forme. Avec la bi-nutrition, vous aidez votre chat à maintenir une bonne hygiène urinaire. »
Qui affirme cela? Les nutritionnistes de chez Whiskas. Et c’est vrai, à une nuance près.
La bi-nutrition à la sauce Whiskas.
Années 2010. Whiskas lance ses premiers spots publicitaires sur la bi-nutrition. Si tout le monde les a vus, personne n’a retenu cette terminologie technique barbare, la « bi-nutrition ». C’est du moins l’impression qui ressort quand j’interroge mes propres clients sur le sujet. Pour ma part, j’ai entendu le message subliminal contenu dans ces publicités, la promotion de l’alimentation humide. En développant le marché de l’humide, l’industrie du petfood monte en gamme. Et un potentiel de croissance colossal se profile. Seulement les coûts de production sont plus élevés qu’avec les croquettes.
En conséquence, cette évolution se heurte à un surcoût important pour le propriétaire. Aussi, pour en limiter l’impact sur son portefeuille, on continue d’afficher une certaine estime à l’égard d’un ami de trente ans, les croquettes. D’ailleurs, elles n’ont pas démérité, et se sont imposées par leur coté pratique et économique.
Alors dans un premier temps, on préfère travestir les défauts des croquettes avec les qualités de l’alimentation humide. C’est la nuance que j’évoquais. Effectivement, l’alimentation humide exclusive est selon moi une excellente formule pour la santé des chats. Seulement, il y a un « hic », un frein de taille pour que ce marché prenne de l’ampleur, les vétérinaires.
Un vétérinaire sur trois seulement conseille l’alimentation humide.
« Mon vétérinaire m’a toujours répété que les croquettes étaient la meilleure nourriture pour mon chat ! » J’entends cette phrase régulièrement. En effet, seuls 35 % des vétérinaires préconisent l’alimentation humide pour les chats. Et ce sont les statistiques Waltham (Royal canin). Paradoxalement, les causes de cette résistance s’expliquent par le fait que ce sont ces mêmes groupes, qui se sont chargés de la formation post-universitaire des vétérinaires pendant plus de 30 ans. Et jusqu’à présent, la seule vérité dominante était qu’en dehors des croquettes, il n’y avait point de salut.
C’est la raison pour laquelle, Waltham multiplie les occasions d’informer les vétérinaires. Articles scientifiques, vidéos sur internet, tout est mis en oeuvre pour les convaincre du bien-fondé de la bi-nutrition. Le symposium Waltham-Mars Petcare 2011 leur a donné l’opportunité d’une piqûre de rappel. Et le missel Royal Canin s’étoffe désormais de quelques feuillets supplémentaires vantant les bienfaits de l’alimentation humide, dans le cadre de la bi-nutrition. Quels sont-ils ?
La bi-nutrition a des vertus « santé » incontestables.
Pour certains, cela semblera des évidences:
- l’eau est le nutriment le plus important chez le chat,
- les aliments humides sont les plus efficaces pour prévenir les calculs urinaires (1),
- manger humide permet de moins grossir après la stérilisation (2)
- lorsqu’ils en ont le choix, les chats s’orientent vers les aliments contenant le maximum de protéines et le minimum de glucides (3, 4). Hormis la viande, seuls certains aliments industriels humides garantissent ce profil nutritionnel optimal en macro-nutriments.
Lorsque je parlais dans le troisième article de vous proposer des solutions pragmatiques, la bi-nutrition en est une. La bi-nutrition est un premier pas pour « Mieux nourrir son chat ». En effet, les aliments humides contiennent tous davantage d’eau, plus de protéines et moins de glucides que les croquettes. Et les bénéfices santé pour les chats sont multiples. Moins de problèmes urinaires, plus de satiété, un meilleur contrôle des apports caloriques, et au final moins d’obésité. Je le vérifie au quotidien lors de mes consultations.
Du reste, la bi-nutrition est déjà pratiquée par de nombreux propriétaires de chats depuis des décennies. Je devrais plutôt dire que de nombreux chats ont imposé la bi-nutrition à leur maître, car les chats savent ce qui est bien et bon pour eux.
La bi-nutrition en pratique.
Les modalités pratiques telles que je les conseille sont simples.
Au minimum un sachet fraîcheur de 100 g par jour. Vous pouvez bien-sûr en donner plus. Cette quantité sera répartie sur deux repas au moins, une moitié le matin et l’autre moitié le soir. Je suggère aussi d’ajouter systématiquement une à trois cuillères à soupe d’eau (selon le goût du chat) sur l’aliment, versées comme de la sauce, sans touiller. Les chats apprécient souvent de lécher cette sauce abondante, qui contribuera à leur bonne hydratation. Il est préférable que le tout premier repas du matin soit sous forme humide. Même si c’est plus facile de piocher dans la boîte à croquettes. En effet, certains chats mangent goulûment leurs croquettes du matin qui, en gonflant dans l’estomac, risquent de finir régurgitées sur le tapis. Pas très glamour, au réveil.
Un chat adulte pesant 4,5 kg a besoin de 200 à 220 kcal. Le sachet fraîcheur ou la terrine en apporte 80 à 100, selon la marque choisie. Le reste de l’énergie nécessaire sera fourni par les croquettes (400 kcal / 100 g). Donc, en moyenne, on ne dépassera pas 30 g de croquettes par jour. Et là, c’est impératif de les peser. Afin de ne pas répéter cette tâche tous les jours, il conviendra de trouver un petit contenant (gobelet à café de cafétéria par exemple) correspondant exactement à la quantité pesée. Si vous changez de marque de croquettes, faites une nouvelle pesée, car la densité volumétrique peut varier du simple au double.
Les croquettes sont caloriquement denses. Aussi, dix grammes de croquettes apportent autant de calories que cinquante grammes d’aliment humide. Donc, si vous souhaitez donner 50 g de sachet fraicheur en plus, vous diminuerez de 10 g les croquettes,…
La bi-nutrition est idéale pour les chatons jusqu’à la stérilisation.
Et cela pour plusieurs raisons:
- physiologique: les chatons ont des besoins protéiques importants, mais leur petit estomac leur impose d’effectuer de nombreux repas.
- comportementale: les chatons apprécient de choisir et de découvrir de nouvelles textures, les bouchées, les mousses, les effilés, les terrines,… Comme le mentionne le Dr Anne-Claire Gagnon, vétérinaire comportementaliste pour les chats: « la bi-nutrition prévient la néophobie » (http://www.lesdossiersnutritiondemarsveterinaire.fr/les-experts-en-parlent).
- pratique: vous n’êtes probablement pas présent toute la journée à votre domicile. Aussi, la solution de laisser des croquettes à disposition pour votre chaton sera pertinente pour prévenir les fringales. En outre, un chaton qui a accès à de la nourriture humide contrôle plus facilement sa gourmandise pour les croquettes.
En revanche, passé l’âge de 6 mois, l’alimentation en libre-service n’a plus lieu d’être. Et notamment après la stérilisation.
Après la stérilisation, la bi-nutrition contribue à prévenir la prise de poids fréquemment observée. A cette période, les besoins métaboliques du chaton diminuent, mais pas son appétit. L’effet bénéfique de la bi-nutrition est probablement d’améliorer la satiété, par la présence d’eau et de protéines en plus grandes quantités, comparé à un régime « tout-croquettes ». Par ailleurs, lorsque la stérilisation est effectuée précocement (entre 5 et 6 mois), cette période critique se fait moins ressentir.
Derniers conseils
Les croquettes n’apportent quasiment aucune satiété immédiate. Pour cette raison, de multiples petits en-cas peuvent s’avérer efficaces pour rassasier les chats qui « réclament tout le temps ». Toutefois, les chats se satisfont très bien de deux collations de croquettes par jour. Mais à distance des repas humides selon moi, au moins trente minutes.
Bien que la bi-nutrition apporte une réelle plus-value qualitative, elle ne dispense pas de choisir les aliments les plus « haut de gamme ». Pour l’humide notamment. Equipé de votre Carb Calculator, vous choisirez des sachets fraîcheurs composés de moins de 10 % de glucides. Personnellement, je conseille très souvent la gamme humide EQUILIBRE ET INSTINCT (http://www.equilibre-et-instinct.com). Il en existe d’autres. Mais au final, ce sera votre chat qui choisira les textures et les goûts qu’il préfère.
Par contre, le recours régulier à des aliments complémentaires du type ALMO NATURE devrait rester exceptionnel dans le cadre de la bi-nutrition. Ce sont d’excellentes soupes de protéines, mais leurs carences en taurine, vitamines et minéraux risquent de générer des déséquilibres chroniques.
Quant aux croquettes, il convient de choisir les moins pires. Pour les chats mâles, la sécurité urinaire est primordiale. Et pour le coup, j’aurai tendance à davantage faire confiance aux gammes « premium » de Purina, Royal Canin ou Hill’s, leaders chez les vétérinaires. Mais attention,ils sont très addictifs, trop digestibles (pour les glucides), et les excès exposent les chats à l’obésité. Enfin, pour leur faible taux de glucides, leur richesse en viande et en acides gras omega 3, les croquettes ORIJEN REGIONAL RED sont souvent plébiscitées.
Références:
- Catherine M.F. Buckley et al. Effect of dietary intake on urinary output, specific gravity and relative supersaturation for calcul oxalate and strive in the cat. British Journal of Nutrition (2011).
- Lucile G. ALEXANDER et al. . Effects of neurering on food intake, body weight and body composition in growing female kittens. British Journal of Nutrition (2011).
- Adrian K. HEWSON-HUGHES et al. Geometric analysis of macronutrient selection in the adult domestic cat, feels cats. The Journal of Experimental Biology (2011).
- F. SALAUN, BLANCHARD G. et Al. Impact of macronutrient composition and palatability in wet diets on food selection in cats. J Anim Physiol Anim Nutr (2016).