Et si votre chat passait à l’alimentation « hybride »

L’alimentation "hybride" pour les chats allie l’industriel et le "naturel". C'est une façon simple et économique d'aller un peu plus loin dans le bien et le bon.

Dessin Philippe Bernard.

« Un vétérinaire représentant d’une multinationale de petfood me dévisagea comme si j’avais dit une insanité, lorsque je lui ai confié que je nourrissais mes propres chats pour moitié avec de la viande crue. Avec leur régime patée et viande crue, mes chats mangent à volonté, tout en conservant une fière allure et sans jamais toucher le bol d’eau ».

Dixit le Dr Carolyn O’Brien, vétérinaire spécialiste en médecine féline à l’université de Melbourne.

Cette cuisine d’assemblage qui allie l’industriel et le « naturel », est simple et  parfois plus économique. De plus, elle permet d’aller un peu plus loin dans le bien et le bon, comparée à la bi-nutrition. C’est ce que j’appelle l’alimentation « hybride » . Cependant, il ne s’agit pas de faire n’importe quoi.

L’ « hybride » pour les chatons, c’est dès 12 semaines.

A cet âge là, les chatons doivent être nourris principalement avec des aliments industriels « premium ». La bi-nutrition constitue une excellente combinaison de base. Elle favorise la croissance rapide du chaton, et l’éducation de son goût. Curieux de tout, il se prêtera volontiers aux nouvelles expériences, quant aux textures et aux parfums. Attention toutefois de procéder à des changements alimentaires très progressifs.

Pour son plaisir, n’hésitez pas à offrir à votre chat de la viande fraîche, crue ou légèrement cuite, et ce plusieurs fois par semaine. Au départ, on ne dépassera pas 10 % des apports caloriques (*), soit 100 à 150 grammes de viande maigre par semaine. A cet âge là, le point critique est d’apporter suffisamment de calcium pour une bonne croissance osseuse. Mais surtout, c’est le rapport calcium sur phosphore (Ca/P) qui importe le plus. Idéalement, ce dernier devrait se situer à 1.1/1. En apportant davantage de viande, riche en phosphore et pauvre en calcium, le ratio pourra atteindre 0.9/1. Néanmoins, à ce niveau, il n’y a rien à craindre.

Seuls les excès sont dangereux pour les chatons.

Les problèmes surviennent lorsque les chatons sont nourris uniquement avec de la viande (0,09 % de calcium et Ca/P de 1/22 en moyenne). Les troubles osseux touchent alors les jeunes chats en phase de croissance rapide, vers l’âge de 3-4 mois. Le tissu osseux se décalcifie et est remplacé par du tissu fibreux. Cette fragilité osseuse est la cause de fractures spontanées dites « en bois vert ».

L'hyperparthyroïdie secondaire d'origine nutritionnelle chez le chaton est responsable de malformation osseuse liée à une minéralisation défectueuse.
Chaton présentant des malformations osseuses, ayant été nourri 3 mois uniquement avec de la viande crue .

Ainsi, le squelette de votre chaton n’a rien à redouter avec ces apports plutôt modérés en viande fraîche. De même, son tube digestif semble parfaitement tolérer les bactéries et les parasites, parfois véhiculés par la viande crue. Les bactéries de surface du poulet, salmonelles et campylobacters, seront facilement neutralisées par un bref passage dans l’eau bouillante (une à deux minutes). Avec l' »hybride », il faudra respecter les vermifugations de routine.

Entrée, plat et dessert pour les jeunes adultes.

  • L’entrée, c’est le « socle commun » avec la bi-nutrition, l’incontournable sachet fraîcheur journalier de 100 grammes, donné en deux repas, et additionné d’un peu d’eau (http://dietetichat.info/la-bi-nutrition-du-neuf-avec-du-vieux/).
  • Le plat est composé d’aliments « naturels ». Le plus simple est d’utiliser des blancs de poulet, ou de la viande hachée de boeuf. Mais pour son hygiène dentaire, votre chat se délectera en rongeant longuement un pilon ou une aile de poulet, ou encore une côte d’agneau,… Dans ces conditions, votre chat pourra manger jusqu’à 50 grammes de viande par jour, sans craindre pour l’équilibre global de sa ration journalière.
  • Enfin, le  dessert (facultatif), ce sont les croquettes. Alors, il conviendra de les limiter à 15 grammes par jour.

La viande de volaille peut être donner crue sans danger aux chats adultes.

Du reste, je suis plutôt en dessous des recommandations des « australian doctors » R. Malik et C. O’Brien, pour l’alimentation « hybride » (*). Et ces derniers ne sont pas de doux illuminés: ils figurent parmi les vétérinaires spécialistes mondiaux les plus réputés pour la médecine féline.

A vrai dire, ils vont même plus loin et préconisent de renoncer rapidement au dessert pour votre chat. A la rigueur, une dizaine de croquettes pourront être données chaque jour comme des aliments récompenses, des « treats ».

Après 10 ans: zéro croquette.

En fait, le mix pâtée / viande est tout à fait adapté au chat, et cela dès son entrée dans l’âge adulte, sans attendre ses 10 ans.  Passé cet âge, il intègre désormais les seniors. Pour ménager sa fonction rénale, il a besoin de suffisamment d’eau. Ses besoins caloriques sont moindres, car il est moins actif. Mais surtout, il lui faut toujours des protéines, pleins de protéines, et d’excellente qualité. La seule réponse alimentaire qui permet de concilier toutes ces exigences à la fois, c’est l’alimentation humide. Et cela, qu’elle soit industrielle, ménagère ou les deux à la fois.

Voici un exemple de régime « hybride » que l’on peut instaurer:

  • 150 grammes sous forme de sachet fraîcheur, en 2 ou 3 repas,
  • 60 grammes de poulet sans peau (un demi filet).

Ces apports couvriront les besoins caloriques journaliers d’un chat pesant 4 kg. Certes, le ratio Ca/P passera sous les 0,75/1.  C’est sans risque pour un chat senior  qui n’est pas en insuffisance rénale terminale. Néanmoins, si vous craignez pour le phosphore, optez pour des viandes plus grasses (boeuf, canard, agneau), que vous distribuerez en moindre quantité (30 à 40 g par jour). De plus, vous pouvez aussi limiter les apports en  phosphore en choisissant certains aliments industriels humides pour « senior », mais toujours composés de moins de 10 % de glucides (http://dietetichat.info/le-point-g-les-glucides-pour-les-chats/).

Pour les chats âgés, on n'hésitera pas à donner de la viande un peu plus grasse.

La parole aux détracteurs.

Géraldine Blanchard, spécialiste en nutrition clinique à l’école vétérinaire d’Alfort, semble en être. Ainsi, elle soutient qu’au delà de 20 à 25 grammes par jour de viande ou poisson, complétés par des croquettes ou de la pâtée, le chat s’expose à des carences. En calcium, en oligo-éléments, et en vitamines A,D,E, B1, B2, B3, B5, PP, Biotine, B9, …

En ce qui concerne la carence en calcium (ou hyperparathyroïdisme secondaire d’origine nutritionnelle), elle ne concerne que les chatons nourris avec un régime « tout-viande ». Car elle n’a jamais été décrite chez un chat adulte (à la différence des chiens de races géantes). Quant aux carences vitaminiques, j’ai bien trouvé un cas dans la littérature, celui de chats nourris principalement avec de la cervelle bouillie de porc. Ils ont déclaré une panstéatite, liée à une carence en vitamine E couplée à  un excès d’acides gras polyinsaturés. Toutefois, c’est un régime alimentaire assez peu conventionnel,  très éloigné des recommandations formulées pour l’alimentation « hybride ».

Tout compte fait, pour vous convaincre des bienfaits de l’alimentation « hybride », je n’ai que mon intime conviction de praticien félin. Et comme le dit avec humour le professeur Vic Menrath, le plus ancien spécialiste des chats en Australie (*):

« Mon expérience de 40 ans et de plus de dix mille chats (soignés) me fait dire que les chats nourris à base de viande crue vivent plus longtemps. Ai-je des preuves? Bien sûr que non. »

Références:

(*) Controversies in feline Nutrition. Richard Malik. Proceedings of the 34th World Small Animal Veterinary Congress WSAVA 2009