A partir d’avril 2017, un étiquetage nutritionnel va se généraliser à tous les produits humains vendus en supermarché, afin de nous inciter à acheter des aliments plus sains, moins gras, moins salés ou moins sucrés. Sur le même modèle, je propose donc le Gluci-score, un nouveau logo pour promouvoir les aliments les moins délétères pour les chats.
Plutôt que la mention « sans céréales » qui doit mettre en alerte votre sens critique, il faut privilégier les aliments formulés selon le concept « Low Carb » pour les chats, c’est à dire limités en glucides. La mention « sans céréales » est un argument de vente non pertinent, alors que le taux de glucides est une véritable information nutritionnelle. C’est probablement la pierre angulaire de la nutrition féline, tout le reste n’étant que détail.
Les aliments « Low Carb » respectent mieux les besoins des carnivores domestiques. De facto, ils sont aussi plus riches en protéines et incorporent moins d’ingrédients d’origine végétale de toute sorte. Toutefois, les croquettes ne seront jamais la panacée. Mais si leur taux de glucides est maîtrisé, elles pourront participer à l’alimentation mixte de votre chat (bi-nutrition ou alimentation hybride).
L’industrie du fast food qui rend obèses et diabétiques… les humains comme les chats.
La malbouffe touche autant les humains que leurs animaux de compagnie. Pour les chats, ce sont les aliments secs qui y contribuent le plus, bien qu’ils constituent incontestablement la solution la plus pratique pour les nourrir.
Ainsi, il faut savoir que les croquettes sont majoritairement fabriquées par les mêmes géants de l’agroalimentaire que ceux qui inondent le marché humain en chocolateries, confiseries, et produits de restauration rapide. En France, ce sont principalement le groupe Mars (Royal Canin, Whiskas, Sheba, Uncle Ben’s, Ebly, M&M) et le groupe Nestlé (Purina, Friskies, Gourmet, Felix, Buitoni, Chocapic). D’ailleurs, des parallèles intéressants entre l’obésité des enfants et celle des animaux familiers ont été mis en évidence (1).
En outre, ces géants de l’agroalimentaire sont loin d’être des philanthropes versés dans la cause animale. Pour eux, les considérations de santé ne sont qu’une contrainte… à respecter, sans plus. Ils se plient aux recommandations minimales légales, et pas toujours. Ils ne fabriquent pas uniquement des aliments basiques, destinés au plus grand nombre. Ainsi, les bâtonnets à base de viande séchée sont vendus plus cher au kilo que le filet de boeuf.
Bon marché, facilement disponible, au goût agréable, apaisante pour certains chats « stressés », cette junk-food addictive est en vente libre.
L’addiction aux croquettes savamment entretenue.
Nous sommes loin du thriller « Révélations », car ici l’objectif de l’industrie du Petfood n’est pas dissimulé. Sans vergogne, sa volonté est de rendre accro votre chat ! Qu’importe si cela se fait au détriment de sa santé.
Ainsi, cette industrie qui stigmatisait en d’autres temps les propriétaires qui donnaient des « bons » restes de table à leur chat, s’est engouffrée dans le marché des friandises pour chats. Et les friandises sont une cause bien connue de l’addiction alimentaire. Les Catisfactions, les « irrésistibles friandises dont les chats raffolent », illustrent la stratégie Whiskas. Le message subliminal est que d’offrir des « treats » à votre chat permettra de renforcer le lien d’amour qui le lie à vous. Cette notion est appelée co-dépendance, entre le chat et son maître, ou entre l’enfant et ses parents. Seulement, le gluci-score de ces friandises au fromage ou au saumon est « E ». Plus de 50 % de glucides.
De la même façon, lorsque vous répondez aux sollicitations de votre chat en lui donnant quelques croquettes pour le calmer, vous entrez inconsciemment dans cette boucle infernale de co-dépendance. C’est pourquoi, je conseille plutôt à mes clients de toujours avoir à disposition au frigo des petits morceaux de poulet… dont le gluci-score est « A », c’est un moindre mal.
Ensuite, enfants et animaux familiers sont avant tout suralimentés parce que la nourriture est à disposition. En libre-service, ou rapidement accessible dans un placard de la cuisine. Et quel est l’aliment le plus adapté pour les chats ? Les croquettes.
Les chats n’ont pas un penchant naturel inné pour cette nourriture hyper-glucidique. Mais l’ennui en milieu clos, leur néophobie naturelle, sont des facteurs qui peuvent renforcer leur goût pour cet aliment addictif… jusqu’à refuser tout autre aliment. Le programme de sevrage sera évoqué dans un article ultérieur.
La polémique autour des glucides chez le chat.
Alors pourquoi un tel déni autour des glucides chez le chat ? Tout simplement parce que certains chats semblent épargnés par les méfaits du régime « tout-croquettes », le plus hyper-glycémiant qui soit. Par contre, aucun d’entre eux ne vit au delà de 20 ans.
Parmi les aspects polémiques évidents, il y a l’absence d’effet des glucides sur la satiété du chat. Après l’ingestion oral d’un repas riche en glucides, la sécrétion d’insuline est proportionnellement très inférieure chez le chat, comparée à d’autres espèces. C’est parce que le signal « glucose » n’est pas détecté par les cellules sentinelles situées dans l’épithélium digestif. La potentialisation de la sécrétion d’insuline consécutive à l’ingestion orale de glucose est minime chez le chat. Par contre, elle est significatifve en présence d’acides aminés (protéines) et encore plus avec les graisses. Ainsi, à la différence de l’homme chez qui l’insuline induirait une perte d’appétit en agissant directement dans le cerveau, les glucides ne contribuent pas à réguler la satiété après un repas chez le chat.
Le second argument physiologique, désormais admis par tous, est que les glucides sont peu métabolisés par les chats. L’équipement enzymatique permettant de « traiter » les glucides est limité chez le chat, et très rapidement saturé. Cela qui oblige l’organisme à les stocker sous forme de tissu graisseux.
En conséquence, la surconsommation de glucides pendant plusieurs années est responsable des deux principales « maladies de croquettes » chez le chat, l’obésité et le diabète. Une toute récente étude épidémiologique ébranle définitivement les dénégations des ingénieurs-nutritionnistes. Portant sur près de 2000 chats dont 400 diabétiques, elle confirme que les croquettes sont un facteur de risque majeur de survenue du diabète chez le chat (2). Mais cette liste de maladies nutritionnelles associées au régime « tout-croquettes » est loin d’être exhaustive (http://dietetichat.info/les-calculs-oxalate-de-calcium-chez-le-chat-laccuse/).
Exit le « sans céréales », bonjour le « Low Carbohydrate-High Protein » (LC-HP)
Nous l’avons vu, la mention « sans céréales » doit vous faire soupçonner l’intox. N’espérez pas que ces aliments soient meilleurs sur le plan nutritionnel, et encore moins qu’ils soient une réponse satisfaisante aux troubles allergiques de votre chat. Par contre, le concept « Low Carbohydrate-High Protein », c’est-à-dire pauvre en glucides et riche en protéines, est un réel argument nutritionnel.
Dans une moindre mesure, la notion de glucides complexes (glucides à libération lente) qui prévaut dans beaucoup de gammes de croquettes « premium » pour chat, est selon moi sans intérêt. Seul le taux de glucides, sans distinction, doit présider au choix des croquettes, surtout si votre chat est en surpoids. Les croquettes pour chats avec plus de 30 % de glucides (fibres incluses) et moins de 35 % de protéines, ne répondent ni aux goûts ni aux aux besoins physiologiques des chats.
Toutefois, quelques aliments « sans céréales » pour chats, formulés selon le concept LC-HP, ne sont pas dénués d’intérêt. Dans le cadre d’une alimentation mixte (bi-nutrition ou hybride), ils sont susceptibles de limiter les effets néfastes des glucides. En outre, ils s’attachent à faire la part belle aux protéines d’origine animale. Tout cela va dans le bon sens.
En dépit de ce progrès, les croquettes idéales n’existeront probablement jamais. Le procédé de fabrication, l’extrusion, ne permet pas de passer en dessous des 20 % de glucides, rapportés à la matière sèche. En remplacement des glucides, on doit incorporer davantage de protéines déshydratées. L’utilisation de protéines de viande déshydratées ou hydrolysées en lieu et place de viande fraîche m’interpelle toujours. Il est probable que la qualité et la bio-disponibilité protéique en pâtissent un peu.
Les croquettes « limitées en glucides »
Même avec un taux de glucides proches de 20 %, il faudra réglementer sévèrement les quantités de croquettes distribuées à votre chat pour lui épargner tout risque de désordre lié à l’alimentation sèche. De plus, les effets délétères sur l’abreuvement et la satiété des chats resteront toujours problématiques.
Néanmoins, certains fabricants ne déméritent pas. C’est le cas par exemple des croquettes canadiennes ORIJEN REGIONAL RED, disponibles sur Internet.
Ingrédients : viande fraîche (45 %), protéines de poisson déshydratées (13 %), protéines de viande déshydratées (10 %), hareng frais entier (5 %), graisse d’agneau (4 %), petits pois verts, pois chiches, lentilles rouges, œufs entiers (3 %), petits pois jaunes, , huile de hareng (2 %) …
Composants analytiques: protéines brutes: 40 %, glucides: 20 %.
Gluci-score: « C » ( 20 à 30 % de glucides)
L’incorporation de viande fraîche est nettement supérieure à la concurrence. En outre, les céréales sont remplacées par des légumineuses (pois, lentilles), elles-mêmes présentes en faible proportion. Enfin, ces croquettes se distinguent par un taux élevé d’acides gras insaturés, EPA et DHA. Mais le plus n’est pas toujours synonyme du mieux. Car les traitements technologiques agressifs sont susceptibles d’altérer négativement ces acides gras. De plus cela explique probablement l’odeur de poisson et de bouillon Kub un peu désagréable. Il semble que ces croquettes soient plus satiétogènes que les autres, moins addictives. C’est probablement en rapport avec leur taux de protéines et matières grasses plus élevés. Le point faible est qu’il n’y aucune étude clinique disponible pour ce produit.
Finalement, bien malin est celui qui peut juger de la qualité de croquettes uniquement en lisant l’étiquette. La qualité d’un aliment dépend pour l’essentiel de la nature et la qualité des matières premières, ainsi que des procédés technologiques qui leur sont infligés. Et là, l’information disponible est toujours défaillante.
Faut-il tendre vers l’objectif « zéro glucides » ?
Oui. Car hormis le lactose pour le chaton, aucun autre glucide n’est indispensable au chat. Les chats font partie du cercle très restreint des carnivores stricts. Au cours des millénaires de leur évolution, jamais ils n’ont modifié leur régime alimentaire. En dépit de conditions de survie parfois hostiles, jamais ils n’ont été contraints de prélever quoi que ce soit dans le monde végétal pour se nourrir. Or le monde végétal a le monopole des glucides sur terre.
Si l’on souhaite aller dans le sens d’un plus grand respect de la nature du chat, plusieurs stratégies alimentaires globales sont néanmoins possibles. La solution la plus sûre et la plus simple est d’avoir recours à des pâtées, majoritairement situées entre 0 et 20 % de glucides. Mais c’est souvent plus onéreux, et moins pratique si vous comptez vous absenter tout un week-end.
Pour pallier à cet inconvénient, l’alimentation mixte est une alternative satisfaisante. La bi-nutrition permet de parvenir à atteindre cet objectif, à condition de coupler des pâtées avec moins de 10 % de glucides (Gluci-score « A ») et des croquettes avec moins de 30 % de glucides (Gluci-score « C »). Avec l’alimentation hybride qui consiste à adjoindre régulièrement de la viande fraîche, vous pourrez être moins regardant sur la teneur en glucides des pâtées ou sachets fraîcheur. Pour le calcul des taux de glucides, je vous conseille l’utilisation de l’application pour smartphone Carb Calculator for Cats.
Finalement, le Graal, l’objectif « zéro-glucides » ne pourra être atteint que d’une seule façon, en optant pour l’alimentation exclusivement à base de viande (crue ou légèrement cuite). Cela fera l’objet d’un prochain article.
Références:
(1) PRETLOW R. A. and Al. Similarities between obesity in pets and children: the addiction model. British Journal of Nutrition (2016),
(2) ÖHLUND et al. Environmental Risk Factors for Diabetes Mellitus in Cats. J Vet Intern Med (2017).