La vérité sur … les aliments « sans céréales » pour les chats.

Certains prétendent que les céréales sont souvent à l’origine d’allergies alimentaires chez les chats . Et bien c’est faux !Les aliments « sans céréales » surfent sur la tendance actuelle, suscitée par notre souci d’individualisation et de médicalisation de l’alimentation. Par effet de contagion, via internet et les réseaux sociaux, nos matous ne sont pas épargnés. A l’image des aliments bio ou véganes, cette modeste niche de marché subit une expansion significative, surtout pour les croquettes. Et votre chat risque bientôt d’avoir beaucoup de difficulté à satisfaire les goûts de ses congénères, lorsqu’il les invite à partager sa pitance industrielle !

Mais qu’est-ce qui cloche dans les grains de céréales ? L’amidon, les protéines (le gluten), les fibres ? Ou bien, n’est-ce pas plutôt les industriels du Petfood qui ont un grain !

L’intolérance au gluten chez le chat… c’est de l’intox.

Si vous visitez l’un des plus grands sites Web marchands destinés aux animaux, vous découvrirez la section « Aliments sans céréales ou gluten pour chat », et vous pourrez lire: « Les céréales sont souvent à l’origine d’allergies alimentaires chez les chats ». Et bien c’est faux ! Les allergènes alimentaires les plus communs chez le chat sont le poisson, les produits laitiers, puis le boeuf, les oeufs, le porc et le lapin. Et bizarrement, il n’y a pas de rubrique sur les aliments sans poisson sur Zooplus.fr (http://www.zooplus.fr/shop/chats/aliments_specifiques_therapeutiques_chat/croquettes_patees_sans_cereales_chat) !

Pour un faible pourcentage de la population humaine, le gluten est responsable d’une maladie chronique de l’intestin, la maladie coeliaque. Le gluten déclenche chez eux une réaction anormale du système immunitaire qui se retourne contre l’organisme en attaquant la paroi de l’intestin grêle. C’est donc une maladie auto-immune.

Chez le chat, rien de tel, mais il est tentant de faire le rapprochement avec la maladie inflammatoire chronique de l’intestin (MICI), que l’on rencontre de plus en plus souvent. Parmi les facteurs participant à la survenue de cette maladie, il y probablement aussi une composante immunitaire, en rapport avec la flore intestinale. C’est pourquoi des aliments industriels  « hypoallergéniques » sont souvent prescrits dans le but d’améliorer pêle-mêle les symptômes d’allergie, d’intolérance ou d’inflammation intestinale chronique.

Les céréales modifient la flore intestinale… c’est de l’info.

Mais c’est la même chose avec les patates, tout aussi riches en amidons que les céréales !

C’est probablement une des raisons expliquant l’inefficacité des aliments pour chats sensibles, hypoallergéniques ou sans céréales. Toutes ces variantes sont onéreuses et sans effet sur l’allergie des chats. Comme l’affirme le Dr Elizabeth Hodgkins (vétérinaire conseil chez Hill’s pendant plus de dix ans), les chats souffrant de MICI ou d’allergie ne sont finalement améliorés que par l’arrêt de toute nourriture industrielle, qu’elle soit sèche ou humide (1). L’excès de glucides dans les aliments industriels a probablement une influence indésirable sur la flore intestinale du chat.

En effet, les macro-nutriments ont un impact sur les populations microbiennes intestinales. Ainsi, chez le chat, plusieurs études récentes mettent en évidence l’influence du ratio protéines / glucides sur la composition du microbiote intestinal (2, 3). Avec un régime riche en protéines et bas en glucides, on observe un plus grand nombre d’espèces bactériennes différentes, comparé à un régime à teneurs modérées en protéines et en glucides.

Un déséquilibre entre bactéries bénéfiques et délétères composant la flore du tube digestif joue sur le développement de pathologies chroniques intestinales. Ainsi, chez l’homme, l’inflammation chronique intestinale est associée à la disparition de nombreuses espèces de bactéries. Certaines espèces bactériennes ayant un rôle anti-inflammatoire sont absentes ou sous-représentées. Par ailleurs, une plus grande diversité bactérienne s’opposerait à l’immunité cellulaire de type 2 qui participe au déclenchement de l’allergie. C’est la « théorie hygiéniste ».

Les fibres des céréales sont bonnes pour la santé… c’est plutôt de l’intox.

La composition du microbiote intestinal est susceptible d’être modulée par d’autres facteurs nutritionnels, comme les fibres alimentaires. Or les céréales représentent la première source de fibres utilisées dans l’alimentation industrielle. A l’origine, leur intérêt était uniquement d’améliorer le transit intestinal et la qualité des selles des chats nourris aux croquettes.

Pourtant chez l’homme, les fibres sont fréquemment plébiscitées pour leur effet santé. Sur la base d’études portant sur des modèles humains ou animaux, les industriels incorporent massivement des fibres dans les croquettes pour chats. On préfère désormais les fibres hydrosolubles au banal son de blé (http://dietetichat.info/chats-regime-sans-glucides/). Les céréales complètes (orge, avoine, riz complet…) en sont davantage pourvues. Ces glucides dits complexes sont incomplètement digérés, et parviennent dans les parties terminales de l’intestin où ils « nourriraient les bonnes bactéries ». En réponse, ces dernières contribueraient à diminuer l’inflammation intestinale et stimuleraient l’immunité intestinale.

Mais trop de fibres diminue la biodisponibilité de la taurine, cruciale pour le chat. Comme cela a été montré avec le riz complet, une source alternative de fibres de plus en plus fréquemment utilisée. Cette étude effectuée sur le chat a montré un retentissement immédiat sur le taux de taurine dans le sang, qui tombait sous le seuil critique (4). Cela oblige les fabricants à rajouter encore plus de taurine de synthèse.

Enfin, ces céréales entières sont plus riches en oligoéléments, vitamines B et E et en composés bioactifs antioxydants, anticancéreux, anti-cholesterol et anti-diabète. Car leurs glucides complexes ont un index glycémique plus faible. Cela commence à être bien étudié… sur la souris de laboratoire (et parfois le chien) !

Peu d’études corroborent l’intérêt des fibres pour le chat, et les bénéfices santé sont plus qu’aléatoires.

Des  protéines de médiocre qualité… c’est de l’info.

Les principales protéines contenues dans les grains de céréales (blé, orge, seigle…) sont les glutens. Dans le blé, c’est 10 à 12 % des constituants. Depuis 20 ans, ils ont fait une entrée en force dans les croquettes destinées aux animaux de compagnie. Ce sont des protéines « valorisées » par les industriels du Petfood, mais de moindre valeur nutritionnelle pour les chats.

Ces protéines sont très utiles pour la fabrication du pain, et contribuent à la viscosité et à l’élasticité de la pâte. Seulement, nous mangeons de moins en moins de pain. Et comme le gluten n’a plus la côte auprès des consommateurs, c’est devenu une source de protéines bon marché pour l’alimentation animale. Comme le soja et les légumineuses. Cependant, d’un point de vue nutritionnel, les protéines issues des céréales sont riches en acides aminés non indispensables, déficientes en certains acides aminés indispensables (taurine, lysine), ce qui leur confère une valeur biologique médiocre. C’est l’argument le plus pertinent pour s’en passer chez les chats.

Malheureusement, pour fabriquer des aliments dits « sans céréales », la solution la plus courante est de remplacer les céréales par des pommes de terre ou des légumineuses, dont les protéines sont tout aussi inadaptées pour le chat.

Les contaminants des céréales… c’est de l’info.

Que ce soit pour l’alimentation humaine ou animale, les contaminants des céréales constituent un problème non résolu. On en distingue trois catégories: les mycotoxines, les métaux lourds comme le cadmium et les résidus de pesticides. On connait très mal la toxicité à long terme résultant de l’exposition à ces substances pendant toute la vie des chats. C’est probablement une cause de morbidité sous-évaluée.

Les mycotoxines sont peut être les plus méconnues mais aussi les plus pernicieuses. Une ingestion massive expose les animaux à des intoxications aigües, parfois mortelles. Mais ces cas sont plutôt rares. Le plus à craindre, c’est l’intoxication chronique qui résulterait d’une exposition quotidienne à d’infimes quantités (en deçà du seuil admis par la réglementation), mais tout au long de la vie du chat. Certaines mycotoxines, comme l’aflatoxine B1 produite par un champignon de type Aspergillus, sont cancérigènes.

Ces toxines ont la propriété de s’accumuler dans les tissus vivants (foie, intestins…) sans pouvoir être éliminées, jusqu’à atteindre leur seuil toxique. Les modes d’action de ces toxines sont très complexes et encore mal élucidés. Ils font probablement intervenir d’autres facteurs comme l’immunité, les virus, les bactéries, ou d’autres déchets métaboliques. Toujours est-il qu’à ce jour il n’y a  aucune explication à la recrudescence des cancers alimentaires chez le chat depuis 20 ans, les lymphomes.

Pour prévenir le risque mycotoxines pour votre chat, la seule chose à faire sera d’éviter les croquettes riches en céréales de toute sorte.

Comment déjouer les tours des maîtres de l’illusion.

L’argument « sans gluten » est typiquement anthropomorphique, et discrédite définitivement le sérieux des fabricants qui en usent. Dans ces croquettes, on a recours à des céréales sans gluten , comme le riz ou le millet.  Elles semblent plus attractives, plus « naturelles », mais sont équivalentes pour le chat.

Un exemple parmi d’autres est celui des croquettes de la gamme SANABELLE à base de millet et de riz, qui donnent l’illusion d’aliments très sophistiqués, alors que leur composition est très déficiente. Ils affichent souvent moins de 30 % de protéines avec des taux de glucides qui caracolent au-delà des 45 %. Autrement dit, ce seraient de parfaits aliments complémentaires pour vaches laitières !

L'argument "sans gluten" est typiquement anthropomorphique, et discrédite définitivement le sérieux des fabricants qui en usent.Ingrédients: viande de volailles fraîche (20%), riz, farine de viande de volaille, millet jaune, millet Milo

Composants analytiques: protéines: 31 % , glucides (calculés): 37,5 % , graisses: 16 % , fibres: 4 %, cendres: 6,5 %.

L’argument « sans céréales » signifie souvent avec des pommes de terre ou des petits pois. Cela n’apporte aucune plus-value qualitative pour les chats. La valeur protéique est tout aussi médiocre, et l’incidence favorable sur l’index glycémique (légumineuse notamment) n’est pas démontrée. Pourtant, même le leader mondial des aliments sur prescription ne résiste pas à l’attractivité de cette niche commerciale. Les Croquettes Hill’s Feline Ideal Balance Poulet / Pomme de terre sont une parfaite illustration.

pour fabriquer des aliment dits « sans céréales », la solution la plus courante est de remplacer les céréales par des pommes de terre ou des légumineusesIngrédients : viande de poulet fraîche (14 %), pommes de terre (13 %), farine de petits pois jaunes, concentré de protéines de petits pois

Composant analytiques: protéines: 31 % , glucides: 33.2 % , graisses: 22 % , fibres: 1,3 %, cendres: 7 %.

 

Pour finir sur une note… fruitée.

Enfin le must, c’est l’argument « fruits et légumes ». La tendance actuelle est le recours aux sous-produits de fabrication des jus de fruits et autres compotes comme source de fibres. Ces dernières sont majoritairement hydrosolubles, elles absorbent l’eau comme des éponges. C’est pourquoi elles sont surtout recherchées pour la fabrication d’aliments humides.

Les fruits constituent l’aliment santé par excellence… pour l’homme ! Mais à ce jour, aucune étude ne montre de bénéfices à avoir recours aux fibres contenues dans les fruits, pour les chats. Au contraire même, une étude montre que la compote de pomme mélangée à de la viande diminue de plus de 20 % la digestibilité des protéines (4).

Les chats souffrant de MICI ou d'allergie ne sont finalement améliorés que par l’arrêt de toute nourriture industrielle, qu’elle soit sèche ou humide.
« Avec ou sans céréales, l’abus de croquettes est dangereux pour la santé, consommez avec modération » (dessin Philippe Bernard)

Finalement, le principal argument santé des régimes « sans céréales » pour les chats semble infondé, voire fallacieux. Il est illusoire de chercher à trier le bon grain de l’ivraie. Néanmoins, il existe quand même une raison nutritionnelle objective pour limiter le recours aux céréales dans les aliments pour chats. C’est de tendre vers une diminution du taux de glucides dans les aliments pour chats. Cela fera l’objet du prochain article.

Références:

(1) HODKINS E. M – Your Cat.

(2) KERR K.R. and al .Faecal microbiota of domestic cats fed raw whole chicks v. an extruded chicken-bases diet.J Nut Science (2013)

(3) DEUTSCH O.et Al. A longitudinal study of the feline faecal microbiome identifies changes into early adulthood irrespective of sexual development.  PLoS ONE (2015).

(4) DE GODOY M. et al – Alternative Dietary Fiber Sources in Companion Animal Nutrition – Nutrients (2013).