Faire la cuisine pour son chat est une alternative simple et économique, à la portée de tous. De plus, c’est la plus pertinente et la plus saine pour répondre aux besoins nutritionnels des chats. En fait, l’idée est de réinventer la souris, sans avoir recours à des ingrédients complexes ou difficiles à obtenir.
Alors, suivez le chef…
La recette
Evidemment, la base est de la viande crue (ou presque) plutôt maigre. Pour cela, je choisis donc des filets de poulet ou de dinde sans peau. En outre, j’ai la chance de trouver des coeurs de poulet (riches en taurine) chez un boucher asiatique. Mais dans la nature, notre chat sauvage ne mange pas uniquement des filets de souris ! Il se régale aussi de sa carcasse, de ses os et de ses viscères… riches en micro-nutriments indispensables.
C’est là qu’intervient le complément alimentaire. Pour Nahema, j’ai choisi un « premix » avec des ingrédients les plus naturels possibles. De la sorte, je m’évite la corvée de trouver et doser toutes sortes de poudres, gélules et capsules, décrits par d’autres auteurs. Je n’ai qu’à le mélanger ce prémix avec de l’eau pour concocter un délicieux milk shake. En option, je rajoute un peu de psyllium (plantain des Indes), le champion dans la catégorie fibre alimentaire. Attention, point trop n’en faut. Les chats se satisfont très bien d’un régime d’astronaute (sans résidus), mais quelques fibres hydrosolubles peuvent toutefois aider à régulariser leur transit intestinal.
Aujourd’hui, de retour du marché, je dispose donc de:
- 1510 g de filet de poulet
- 460 g de coeur de poulet
- 90 g de TC Premix Plus au foie de poulet (1)
- 1 grosse cuillère à soupe de psyllium bio (1)
- 800 ml d’eau
Pour cette préparation, rien d’extraordinaire. Avant de découper la viande, je poche 2 à 3 minutes les coeurs et les filets de poulet dans l’eau bouillante. Toutefois, rien ne vous empêche de les incorporer crus ou au contraire de les cuire plus longuement, selon les goûts de votre chat. Pour finir, je confectionne la délicieuse et nutritive sauce (le premix, le psyllium et l’eau). Enfin, je la répartis uniformément sur la viande.
En deux ou trois repas
La ration journalière de Nahéma est d’environ 110 à 120 grammes de viande. Je prépare donc 17 barquettes alimentaires.
Une fois préparées, les barquettes sont alors mises à congeler. Chaque jour, je décongèle une barquette (24 heures au réfrigérateur), qui sera distribuée en trois repas égaux. Au moment de servir, j’additionne une ou deux cuillères supplémentaires d’eau par repas.
Comme la majorité des chats, Nahéma ne résisterait pas au plaisir de s’empiffrer de croquettes. Et comme la majorité des maîtres, je suis faible. Aussi ai-je consenti à lui donner 5 grammes de croquettes par jour (pas plus !), dispersées sur son Cat fun Board. C’est bon pour le moral…
L’alimentation à base de viande pour les chats
Est-ce cela l’alimentation BARF ? L’alimentation BARF (Bones And Raw Foods ou Biologically Appropriate Raw Food) est basée sur la distribution d’ingrédients crus. De la viande et des abats, des os, des légumes (mais aucun féculent d’aucune sorte) et des compléments alimentaires… une alimentation qui se veut 100 % naturelle. Très complexe au départ, cette pratique s’est simplifiée. Hormis le fait que je n’utilise pas d’os et que je n’hésite pas à cuire délicatement la viande, cette méthode est très voisine.
Pourrait-on donner uniquement de la viande à son chat? La viande permet de couvrir l’essentiel des besoins en protéines, en matières grasses, en énergie, en vitamines du groupe B. Mais elle est déficitaire en acides gras essentiels, en calcium, certains oligo-éléments et vitamines (A et D). L’adjonction d’un complément minéral et vitaminé (C.M.V.) est destinée à rééquilibrer cette ration.
Quelle autre viande peut-on choisir ? Pratiquement toutes. Selon vos convictions et votre éthique personnelle, vous pourrez opter pour du boeuf, du veau, de l’agneau, du porc, du canard, du lapin… Et même du poisson. Il faudra seulement adapter les quantités aux besoins caloriques de votre chat.
Pourquoi ne donne-t-on pas de C.M.V dans l’alimentation que j’appelle « hybride » (http://dietetichat.info/si-votre-chat-passait-hybride) ? Dans l’absolu ce serait préférable. Rappelons que l’alimentation hybride est un mixte d’alimentation naturelle (viande) et industrielle (pâtée ou croquettes). En pratique, les aliments industriels sont largement supplémentés et ils apportent ainsi le peu qui manque à la viande. A l’extrême, quelques uns de mes clients donnent uniquement de la viande à leur chat. Même si je ne cautionne pas cette pratique, force est de constater que leurs chats ne se portent pas si mal.
Mais de la viande sans os
Pourquoi ne pas donner d’os comme dans le BARF ? Certains auteurs passionnés plébiscitent la « viande à l’os ». La texture s’apparente encore davantage aux proies que le chat chasse dans la nature. Mais ce n’est ni pratique, ni hygiénique. Et bon nombre de chats boudent cette pitance paléolithique. Ils porteront plus volontiers leur dévolu sur la viande en morceaux ou hachée. Quitte à se priver d’une gymnastique masticatoire bénéfique pour leurs dents. Cela dit, rien ne vous interdit de donner occasionnellement une aile de poulet avec l’os, à condition qu’elle soit crue. Les os cuits durcissent et deviennent potentiellement dangereux.
N’y aurait-il pas avantage à donner de la poudre d’os au lieu d’un sel de calcium ? En effet, la source de calcium la plus pratique, la plus naturelle et la moins dangereuse est théoriquement la poudre d’os. Mais il faut savoir qu’en plus du calcium, les os contiennent aussi beaucoup de phosphore. Et formuler une ration idéale à base de viande et de poudre d’os relève du casse-tête, quasi-impossible en pratique. Le risque est d’apporter un excès global de phosphore. C’est un des défauts récurrents des régimes BARF. Ce phosphore en excès est normalement éliminé par les reins. Mais un chat, à partir de 9 ans, a sa fonction rénale qui décline. Il s’ensuit une stimulation des glandes parathyroïdes (hyper-parathyroïdie secondaire d’origine nutritionnelle), aux effets potentiellement délétères.
Les sels de calcium sont des sources pures de calcium. Le carbonate de calcium, qui est ni plus ni moins de la craie, est la forme de calcium la plus communément employée dans les aliments industriels pour chats. Dans notre complément, c’est du lactate de calcium. C’est le principe actif des médicaments destinés à traiter les carences calciques chez l’homme.
Autres questions par rapport au complément choisi
L’originalité du complément choisi est d’obtenir une composition finale pour la préparation aussi proche possible de celle d’une souris (http://tcfeline.com). Nous sommes bien loin des recommandations minimales de la FEDIAF.
Quelle en est sa composition détaillée ? Complexe minéral laitier, jaune d’oeuf, foie de poulet déshydraté, whey protéine, gélatine, lactate de calcium, taurine, algues marines, complexe vitaminique B, vitamine E et vitamine D3. Ce complément se veut d’avoir une orientation « naturelle », faisant la part belle à des produits issus de l’agriculture biologique.
Hormis le calcium, quel est l’intérêt des autres ingrédients ? D’abord il y a le foie. C’est l’abat le plus utilisé dans l’alimentation animale. C’est un morceau de choix pour le chat, même s’il fait partie de la catégorie peu engageante des « sous-produits d’origine animale ». Le foie est une importante source de vitamine A et D, et d’oligo-éléments comme le fer et le cuivre. Ces nutriments sont particulièrement bio-disponibles dans le foie, à la différence d’autres tissus animaux comme le muscle (viande).
Le jaune d’oeuf est très riche en vitamine E et contient tous les acide gras essentiels (acide arachidonique, EPA et DHA) dont a besoin le chat. Il participe avec le foie aux apports en vitamines A (préformée) et D. Les algues sont une source d’iode biodisponible. Les whey protéines sont les protéines du lactosérum (petit lait) obtenu lors de la fabrication du fromage. Ce sont des protéines d’excellente qualité, plus digestes que la caséine du lait. Par contre, la gélatine est composée de protéines de faible valeur biologique. Son seul intérêt est culinaire: lier la sauce. La taurine et les vitamines B sont certainement superflues en présence de viande… mais qui peut le plus peut le moins.
Les risques sanitaires
Y-a-il un risque bactérien pour le chat avec la viande crue ? Ce risque existe mais reste anecdotique. La viande crue peut être contaminée par des salmonelles, des E. Coli ou des clostridies. Celles-ci sont majoritairement détruites lors de la digestion du chat. Aussi la viande utilisée doit être de qualité irréprochable et ne pas avoir subi de rupture de la chaîne du froid. En France, les contrôles sanitaires des élevages, des circuits d’abattage, de transformation et de distribution réduisent considérablement ce risque.
Pour y pallier, il est préférable de cuire la viande. Quelques minutes dans l’eau bouillante ou au four micro-ondes détruiront bon nombre de bactéries de surface. Une cuisson permettant d’atteindre 70 °C à coeur sera plus efficace encore, mais au-delà de 70°C la structure des protéines est modifiée, ce qui diminue leur valeur alimentaire.
Enfin, les virus, les bactéries, les champignons et autres parasites rarement pathogènes et présents sur les aliments (humains aussi, comme les légumes crus, charcuteries…) participent à coloniser le tube digestif. Ces espèces se font une guerre permanente. Et en échange du gîte et du couvert qu’elles trouvent dans le tube digestif, elles participent à l’immunité digestive (« effet de barrière »). Nahema, quant à elle, n’a pas eu une diarrhée depuis plusieurs années.
Une solution diététique optimale pour le chat
Dans le précédent article, je vous ai proposé plusieurs stratégies globales pour limiter l’incorporation de glucides dans l’alimentation de votre chat (http://dietetichat.info/limite-en-glucides-critere-nutritionnel-pour-chats). L’alimentation à base de viande telle que décrite ci-dessus ne supporte la comparaison qu’avec les meilleures pâtées.
Donc face à notre succédané de souris, j’ai choisi une pâtée « premium » au taux d’humidité de 71,8 % et 1,1 % de glucides calculés (Extractif Non Azoté, pour les puristes) par rapport à la MS. Un must ! Toujours rapporté à la MS, cette pâtée affiche 46,3 % de protéines, 10,6 % de matières grasses, et 0,6 % de fibres brutes. Voilà pour les macro-nutriments. Une boite de 100 g apporte 146 kcal.
Notre préparation maison à base de viande affiche quant à elle 78,5 % d’humidité. Et rapporté à la matière sèche, 82 % de protéines, 2,8 % de MG, des traces de glucides et de fibres. Sa densité énergétique est moindre, 100 cal / 100 g. Plus d’eau, c’est davantage de satiété. De plus, la ration ménagère est plus protéique et moins grasse. Cela est idéal pour prévenir l’obésité.
En outre, cette préparation convient aussi à la croissance des chatons. Elle a fait l’objet d’un article récent (2). Sa composition respecte les recommandations minimales nutritionnelles légales pour les chatons. Enfin, sa digestibilité globale serait même légèrement supérieure à la pâtée industrielle. La digestibilité apparente traduit le pourcentage de nutriments ou d’énergie réellement absorbés dans l’intestin et utilisé par l’organisme. Or les étapes de la fabrication industrielle des aliments diminuent cette digestibilité. Ce sont le hachage, les mixages, l’oxydation, la chaleur et la pression lors de la cuisson…
Pour conclure
Les bénéfices de l’alimentation à base de viande sont nombreux. Elle répond parfaitement aux besoins nutritionnels du chat et prévient le principal fléau actuel, l’obésité. On peut évoquer aussi son coût modéré (environ 1,50 euro / jour/ chat), son appétence, la diminution du risque de calculs urinaires en raison d’un régime riche en eau, une meilleure digestibilité (si les matières premières sont de qualité), et sûrement une meilleure immunité. Mais il est vrai que l’on ne dispose d’aucune donnée scientifique à long terme, qui atteste sa supériorité par rapport à l’alimentation industrielle humide, qui reste un standard de qualité.
Référence:
(1) https://www.tatzenladenshop.de/en/tcpremix-reg/
(2) Beth A Hamper et al – Apparent nutrient digestibility of two raw diets in domestic kittens – Journal of Feline Medicine and Surgery (2015)