Y a t-il de la viande de cheval dans la pâtée de votre chat ?

Même si le cheval n’est qu’un zèbre domestique que les grands chats d’Afrique apprécient d’avoir à leur menu, ce n’est pas l’espèce animale que l’on s’attend à trouver dans le Ronron de notre chat.

Début 2013, les consommateurs européens ont été choqués par le scandale de la viande de cheval retrouvée dans plusieurs plats préparés destinés à l’alimentation humaine. Même si le cheval n’est qu’un zèbre domestique que les grands chats d’Afrique apprécient d’avoir à leur menu, ce n’est pas l’espèce animale que l’on s’attend à trouver dans le Ronron de notre chat. C’est donc l’occasion de s’intéresser de plus près aux ingrédients qui figurent sur les étiquettes d’aliments pour animaux.  Et avec cet article, nous allons aussi poursuivre notre voyage au pays des sous-produits.

Des fabricants d’aliments très à cheval … sur la réglementation.

Personne n’est dupe. On peut les comprendre, les fabricants n’ont pas intérêt à trop communiquer sur le contenu de leurs produits. Ce n’est pas tant que les constituants qui les composent soient nocifs, mais l’image qu’ils véhiculent n’est pas toujours très glamour.

Ainsi, la présence de cheval dans les pâtées serait a priori sans conséquence néfaste pour votre chat. De la même façon que la viande de kangourou est largement consommée par les chats en Australie depuis plus de 30 ans. D’un point de vue nutritif, ces viandes sont même considérées comme supérieures aux autres, pauvres en matières grasses, riches en protéines, vitamines et minéraux. Les Australiens ont fait leur coming out depuis toujours, au risque de déplaire aux fans de Skipy. En Europe, c’est le politiquement correct qui s ‘impose. Et s’il devait y avoir du cheval dans les pâtées pour chat, il conserverait son anonymat sous la mention: « viandes et sous-produits animaux ».

Intéressons-nous donc de plus près à cette obscure terminologie. Et en premier lieu, que dit la loi en la matière ? En Europe, l’industrie du Petfood est soumise à un Code des bonnes pratiques d’étiquetage édicté par la FEDIAF (Fédération Européenne de l’Industrie des Aliments pour animaux Familiers). Les fabricants ont l’obligation de lister les matières premières par leur nom spécifique, ou à défaut leur catégorie. Et la catégorie la plus répandue est « viandes et sous-produits animaux ».

Il ne s’agit pas forcément d’un artifice destiné à tromper délibérément le consommateur, mais dans les faits ce dernier est induit en erreur. Afin d’afficher une plus grande transparence, mais surtout pour attirer le chaland, certains fabricants mettent en avant l’espèce animale contenue dans leurs boîtes. Mais est-ce véritablement de l’info, ou de l’intox faite en toute légalité ?

Pas d’ADN de cheval dans les pâtées pour chats… mais des espèces non déclarées.

Un article récent rapporte les analyses faites sur 17 références courantes d’aliments pour chiens et chats, très largement vendues en supermarché (1). Tous les produits ont subi une recherche ADN ciblée sur la présence de protéines de boeuf, de poulet, de porc et enfin de cheval. Par contre, d’autres espèces animales comme la dinde et le poisson n’ont pas été recherchées, ce qui limite un peu la portée des résultats. Toutefois, la première information importante fût qu’aucun échantillon ne révélait la présence de viande de cheval.

Néanmoins, l’analyse des pourcentages relatifs pour les trois autres espèces animales restantes est riches d’enseignement sur ces soit-disant « bonnes pratiques » des fabricants. Ainsi, il est très fréquent de retrouver des espèces animales non spécifiées sur la liste des ingrédients. De l’ADN de boeuf, de porc et de poulet a été trouvé en proportions variables, alors que ces espèces n’étaient pas mentionnées sur l’étiquette. Par exemple, c’est le cas du Gourmet solitaire au boeuf, qui d’un point de vue analytique est pourtant un excellent produit (5,8 % de glucides seulement).

Du boeuf, mais aussi du poulet et du porc non mentionnés sur l'étiquette.

Ingrédients (figurant sur l’étiquette): viandes et sous produits animaux (dont boeuf 4% minimum), poissons et sous-produits de poissons.

Analyse ADN: 56 % de boeuf, 24 % de porc et 20 % de poulet.

 

Le boeuf est mis en avant, alors que le porc et le poulet, en quantités non négligeables, sont passés sous silence. Rappelons que dans cette étude, ces proportions relatives ne concernent que les espèces animales recherchées, et donc pas le poisson.

D’autres manquent à l’appel…

Cette étude permet aussi de faire un deuxième constat  très répandu. Certains ingrédients sont présents en quantité inférieure au pourcentage minimum mentionnés sur l’étiquette. Le plus ennuyeux est qu’ils sont même parfois absents. Ainsi, on n’a pas retrouvé d’ADN de poulet dans la référence « Prescription Diet  r/d Feline ». Pourtant, cet ingrédient figure sur l’étiquette.

Pas d'ADN de poulet retrouvé contrairement aux mentions figurant sur l'étiquette.

Ingrédients (figurant sur l’étiquette): foie de porc (minimum 30 %), cellulose, porc, amidon de maïs, riz moulu, poulet, farine de gluten…

Analyse ADN: 100 % de porc.

 

Ceci est d’autant plus inadmissible que Hill’s, fabricant de la gamme Science Plan, est le leader mondial pour les aliments faisant l’objet d’une prescription, et revendus par les vétérinaires !

Des appellations franchement trompeuses.

Enfin, l’artifice « marketing »  le plus éculé est illustré avec les Effilés au boeuf de Felix. Dans cet exemple,  le poulet et le porc réussissent à se faire bien plus gros que le boeuf !

"Au boeuf" signifie un minimum de 4 %, et pour le reste c'est du porc et du poulet.

Ingrédients (figurant sur l’étiquette): viandes et sous-produits animaux (dont boeuf 4 %), poissons et sous-produits de poissons.

Analyse ADN: 19 % de boeuf, 36 % de porc et 45 % de poulet.

En effet, l’appellation « au boeuf » ne garantit aucunement que cette espèce animale sera majoritaire dans le produit. Dans ce produit, il y a quatre fois moins de boeuf que de porc et poulet combinés. Cette mention « au boeuf » impose seulement au fabricant d’incorporer au minimum 4 % de boeuf. Et il peut s’agir d’un composant minoritaire comparé aux autres ingrédients protéiques du produit. C’est parfaitement légal, et cette astuce permet de décliner quatre goûts différents, sans modification substantielle de la formule de base.

De la même façon, le fabricant de la gamme Vitacat en use et en abuse, pour noyer le poisson… dans l’eau bien sûr, mais aussi dans le cochon !

De la pâtée au saumon, majoritairement composée de porc.

 

Ingrédients (figurant sur l’étiquette): Poissons et sous-produits de poisson (dont saumon 4 %).

Analyse ADN: 1 % de boeuf, 92 % de porc et 7 % de poulet.

 

 

Dans l’eau, c’est le cas pour tous les aliments humides composés de 70 à 82 % d’eau. Par contre, les 4 % de poisson sont maigrelets au regard des 92 % de cochon. Et encore, les quantités d’ADN de poisson n’ont pas été vérifiées dans cette étude.

Ces exemples illustrent que la terminologie « Viande et sous produits animaux » est omniprésente. Mais aussi, elle entretient un flou quant aux espèces animales présentes dans les produits alimentaires destinés aux chats. Au delà, on peut légitimement se demander si ces fameux sous-produits ne cachent pas d’autres « horreurs ».

Ces sous-produits animaux sont-ils mauvais ?

 Stricto sensu, cette catégorie comprend tous les produits dérivés du traitement des carcasses des animaux terrestres à sang chaud. Ainsi, les termes « boeuf » ou « poulet » ne signifient pas qu’il s’agit de muscle, autrement dit de viande, comme on le comprend communément. Là encore, il n’y a pas d’obligation légale à mentionner le pourcentage de muscle dans les aliments pour animaux familiers.

Toutefois, cette mention n’est pas pour autant synonyme d’ingrédient de piètre qualité, comme l’avancent trop souvent les détracteurs de l’alimentation industrielle. C’est même exceptionnel. L’époque où l’on avait largement recours à des ingrédients comme les cornes, les sabots, les plumes ou les becs des volailles, est révolue. Cette pratique n’est plus représentative, et les sous-produits animaux destinés aux chats sont essentiellement des abats. Ces organes sont réputés pour leurs qualités nutritionnelles incontestables. Ce qui les stigmatise le plus, c’est le désintérêt qu’ils rencontrent désormais pour la consommation humaine. De plus, ces délicieux produits tripiers ont pour certains été estampillés « risque d’ESB » après la crise de la vache folle. Mais ils sont à ce jour réhabilités. Cependant, pieds paquets, tête de veau, rate et panse de veau farcies, fraise de veau sauce poulette… ont régalé de nombreuses générations.

A l’opposé, un fabricant qui revendiquerait de ne pas utiliser de « sous-produit animaux » aurait de fortes chances d’incorporer à la place des produits végétaux, des céréales, des légumes ou des fruits de qualité médiocre, potentiellement nocifs pour les chats. C’est pourquoi, il faut préférer un aliment à base d’excellents sous-produits animaux, plutôt qu’un aliment à base de sources végétales.

Mais l’éthique dans tout ça.

Si les chats parviennent à repousser l’invasion végane, leurs aliments continueront d’être fabriqués avec des protéines de poulet, de boeuf, de porc, ou de poisson. Il n’en demeure pas moins que les espèces animales utilisées devraient être explicitement nommées et quantifiées.

Certains industriels se limitent souvent au respect de ces bonnes pratiques, sans véritable éthique. Au delà, lorsqu’un fabricant met en avant des arguments médicaux pour ses aliments, une rigueur comparable à celle des laboratoires pharmaceutiques s’impose. La commercialisation de ces aliments devraient même être soumise à l’obtention préalable d’une A.M.M. (autorisation de mise sur le marché), garantissant les bénéfices médicaux attendus. Hélas, c’est loin d’être le cas. D’autres études ont pu par exemple montrer la présence de protéines d’espèces animales indésirables, dans des aliments hypoallergéniques, formulés pour les intolérances alimentaires des chats (2).

Enfin, s’il n’y a pas de viande de cheval dans les pâtées pour chat, le porc est très présent. Pas de problème pour le chat. Je suis même personnellement convaincu que la protéine de porc est très proche de celle de la souris, et donc parfaitement adaptée aux chats. Mais les indications signalant la présence de cette viande dans les aliments pour les animaux domestiques est majoritairement omise. La dimension émotionnelle associée à la viande de cheval (souvent animal de compagnie) est un critère plus important pour les fabricants de Petfood que les considérations religieuses des propriétaires de chats.

Plut^t que de la viande de cheval, certains propriétaires de chat préfèreraient leur donner de la vache enragée.
« C’est pas une raison pour me refiler de la vache enragée  » (dessin Phillipe BERNARD).

Références:

(1) Maine R. et al. Investigation into the animal species contents of popular wet pet foods. Acta Veterinaria Scandinavia (2015).

(2) Ricci R. et al. Identification of undeclared source of small animal origin in canine dry foods used in dietary elimination trials. J Anim Physiol Anim Nut (2013).