« Poisson et sous-produits de poisson ».

Pour ne pas finir en queue de poisson…

Pour réjouir les papilles des chats, les aliments à base de poisson sont fréquemment choisis. Mais que cache la terminologie « Poissons et sous-produits de poissons » figurant sur l’étiquette des aliments industriels ?

Des appellations alléchantes… mais une réalité peu engageante.

La qualité nutritionnelle du poisson frais ou surgelé est incontestable, mais qu’en est-il pour les aliments industriels ? Il convient avant tout de ne pas se laisser abuser par les appellations alléchantes comme «Au saumon», «A la truite», «Au thon»… En effet, les plus beaux morceaux de thon sont vendus à prix d’or dans les marchés au poisson japonais. Les autres variétés de thon, moins recherchées, finiront dans les petites boites bleues destinées à agrémenter nos salades estivales. Et même la chair qui adhère encore aux arêtes sera raclée manuellement à la cuillère, et incorporée dans des boites semblables, vendues à prix réduit. Car tout est bon dans le poisson !

Mais alors, que reste-t-il pour régaler nos chats ? Les sous-produits de la pêche. C’est à dire les poissons (ou parties) non destinés à l’alimentation humaine comme les viscères, les chutes de filetage, les poissons abîmés ou les espèces non appréciées par l’homme (poisson-chat par exemple !). C’est déjà moins appétissant, mais sans cette possibilité de valorisation du poisson, le prix de ce mets dans notre assiette serait bien supérieur. Car nous autres, humains, ne consommons généralement que la moitié du poisson entier (1).

Nous autres, humains, ne consommons généralement que la moitié du poisson entier.

Ces sous-produits ont une destinée toute tracée,  l’alimentation animale en général, et l’industrie du Petfood en particulier.

Il est frais mon poisson !

Il est frais mon poisson !

Ces restes sont très altérables, et doivent être rapidement stabilisés. Ce « poisson frais » est d’abord réfrigéré, puis congelé en l’état. Les restes « nobles » de filetage, comme par exemple les parties rouges foncées du thon, sont écartés de la consommation humaine, et sommairement transformés en un hachis. Et cette pulpe sera à son tour congelée. Finalement, c’est ça le « poisson frais » tels que l’entendent les fabricants d’aliments pour chiens et chats.

Par la suite, ce poisson est incorporé aux autres ingrédients de la recette dans des mélangeurs, puis passent à la cuisson-stérilisation de l’aliment. Cette étape détruit beaucoup d’acides aminés (taurine) et vitamines. Ces pertes devront être anticipées par l’ajout de molécules « artificielles». Malgré tout, l’utilisation de poisson « frais » (comme la viande fraîche) participe à améliorer l’appétence et la digestibilité des aliments industriels. Ce poisson frais constitue une source de protéines animales de qualité supérieure. Il sera plutôt réservé aux aliments humides, et parfois secs. Cependant, pour les croquettes, bon nombre de fabricants utilisent un autre ingrédient, très éloigné cette fois du «poisson frais ». Ce sont des restes de reste de reste de déchets de poissons, qui sont alors transformés en farines, en huiles ou en hydrolysats de poisson.

Une qualité protéique éloignée du sashimi…

UUne qualité protéique éloignée du sashimi.

La qualité nutritionnelle du poisson, frais ou surgelé, est incontestable. Mais c’est loin d’être le cas pour les aliments industriels à base de poisson. En tant que source de protéines, leur intérêt va décroissant selon le type d’aliment.

Pour ce critère précis, les meilleurs sont selon moi les aliments dits « complémentaires » au poisson (type ALMO nature). Il s’agit souvent de poissons entiers. Bien qu’il y ait à redire à leur sujet, ils offrent probablement la meilleure qualité protéique. En dépit d’une cuisson forte et prolongée, on retrouve des morceaux de chair de poisson (la trame musculaire). Cela explique peut-être l’addiction que suscitent ces aliments auprès des chats. En tout cas, ils constituent une bonne source d’acides aminés indispensables et de peptides bioactifs, que l’on ne retrouve que dans les fibres musculaires. Néanmoins, ces aliments n’ont rien à envier à une boite de thon au naturel destinée à l’alimentation humaine. Attention toutefois, leur emploi régulier fait courir aux chats des risques de carences.

En effet, les risques avec ces aliments sont les carences en thiamine et taurine notamment (http://dietetichat.info/le-regime-poisson-pour-les-chats/). Mais la carence en thiamine (ou Vitamine B1) n’est pas uniquement l’apanage des chats nourris avec ces produits, ou encore avec du poisson cru. Ainsi, un pourcentage non négligeable d’aliments humides industriels à base de poisson (15 % d’entre eux), , présumés équilibrés, présentent des teneurs en thiamine inférieures aux recommandations réglementaires (2). La thiamine est une vitamine thermolabile, facilement détruite lors des cuissons « industrielles ». La supplémentation en additifs vitaminiques avant fabrication est souvent insuffisante, et les contrôles qualité en fin de chaîne sont peu fréquents sur les produits de moyenne gamme.

Enfin, en bas de l’échelle « alimentaire » nous retrouvons bien sûr les croquettes. Car les aliments secs pour chats constituent un débouché de choix pour les farines de poisson.

Les farines de poisson… un poison ?

Sur le papier, ces farines sont réputées riches en protéines très digestibles et en acides aminés indispensables (lysine, méthionine). Mais le problème avec les farines de poisson est que le meilleur côtoie aussi le pire. Selon moi, leur intérêt qualitatif pour la santé du chat n’est pas avéré. En effet, pour fabriquer cette farine, on a recours à des procédés technologiques très violents. Pour commencer, les restes de poisson sont cuits à une température élevée pour garantir la désinfection de ces matières premières. A ce stade, beaucoup de protéines sont coagulées, ou perdues avec les jus de cuisson. Puis, ce qui reste est centrifugé pour en extraire les huiles, pressé pour former des « gâteaux », séché, broyé, et ensuite stocké à température ambiante pendant plusieurs semaines…

Les farines de poisson… un poison ?

A l’issu de ces traitements technologiques, on obtiendra le plus souvent des farines de poisson très «osseuses». Elles seront d’ailleurs autant utilisées comme source de calcium que pour leurs protéines. Et paradoxalement, la digestibilité protéique est devenue moyenne, comparable à celle du gluten de blé (3). En outre, ces farines peuvent contenir des toxines (ammoniac et hydrogène sulfuré), des contaminants chimiques (métaux lourds…), des toxines d’origine bactérienne (botulisme). Les farines de poisson sont tellement fermentescibles qu’elles sont classées « matière dangereuse » pour les transports routiers ou maritimes. En tant que matière fermentescible et grasse, la farine de poisson non déshuilée peut spontanément s’enflammer et déclencher des incendies. Pour la stabiliser, on doit avoir recours à des quantités considérables d’anti-oxydants chimiques.

De plus, la fabrication des croquettes par extrusion exigera un passage supplémentaire à 200°, à haute pression. Bilan de toutes ces opérations, la valeur biologique finale des protéines de poisson est profondément amoindrie. Aucune donnée scientifique disponible ne le démontre, mais ces mauvais traitements thermiques successifs infligés à ces innocentes protéines de poisson doivent probablement donner naissance à des molécules toxiques, allergisantes, voire cancérigènes (dioxines et PCB). Le risque de surexposition alimentaire à ces composés potentiellement nocifs est selon moi un argument pour restreindre le recours aux croquettes à base de poisson, surtout les « premiers prix ».

Pour ne pas finir en queue de poisson…

Enfin, d’un point de vue écologique, la sur-pêche a conduit à instaurer des quotas pour certaines espèces. En France, les sous-produits de poisson proviennent de la pêche de poissons blancs pour plus de 80 % (cabillaud, églefin, lieu, merlan, merlu,…), puis viennent les poissons cartilagineux (requins et raie), et enfin les poissons bleus (thon, hareng, maquereau, sardine, anchois). Ce n’est pas le cas des aliments fabriqués dans le sud-est asiatique. En résistant aux sirènes de ces appelations alléchantes, vous privilégiez souvent la provenance France. Et c’est un coup de patte pour la planète.

Des appellations alléchantes… mais une réalité peu engageante.

Dessins de Thi-Ngoc Diep NGUYEN

Cet article était une première incursion au pays des sous-produits dont raffole l’industrie du petfood. Et qui les utilisent habilement pour que vos chats en raffolent à leur tour… Mais au final, concernant le poisson, il n’y a pas de comparaison possible avec un sashimi!

(1) Laboratoire STBM (Ifremer de Nantes). Valoriser les co et sous-produits d’origine halieutique. Forum Atlanpole / Blue Cluster (2010)

(2) Jessica E Markowich and Al. Analysis of thiamine concentration in commercial canned foods formulated for cats. JAVMA (2014).

(3) FUNABA M. and al. Fish meal vs. gluten meal as protein source for dry cat food. J Vet Mes Sci (2001)